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Les lettres de Sylvia Pankhurst à Lénine auraient pu sauver la révolution européenne 1918-1923 du naufrage parlementariste contre le sabotage de Lénine

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 par Yanick Toutain 
édité par Julie Amadis
7 mars 2024

On va lire trois lettres de la gauchiste anti-parlementariste Sylvia Pankhurst dans l'ordre inverse de leur rédaction.
On comprendra comment Sylvia Pankhurst fut la Cassandre du fascisme montant. 
Dans un autre 
texte du 9 septembre 1920, "l'Italie devant la révolution", elle écrivait
 " 
Devant la famine et le danger il n'y a que deux alternatives : les Soviets ou la dictature du Riche. "
et plus loin "Gramsci pense que la révolution italienne
 peut éclater pendant une période électorale ;
et nous avons tenu à lui faire remarquer
que les cas qu'il venait de nous citer
fournissaient 
des arguments remarquables à la propagande
contre le système parlementaire bourgeois
 et pour les Soviets,
 arguments faciles à employer en période électorale."

REPONSE HYPOCRITE DE LENINE 
"
On ne peut en douter : l'Internationale Communiste et les partis communistes des divers pays commettraient une faute irrépa­rable en repoussant les ouvriers, partisans du pouvoir des Soviets, mais qui ne consentent pas à prendre part à la lutte parlementaire. Si on pose la question d'une façon générale, théoriquement, c'est précisément ce program­me, celui de la lutte pour le pouvoir des So­viets, pour la république des Soviets, qui peut et doit unir maintenant, sans conteste, tous les révolutionnaires honnêtes et sincères des milieux ouvriers. Beaucoup d'ouvriers anar­chistes deviennent maintenant de sincères partisans du pouvoir des Soviets, ce qui nous prouve qu'ils sont nos meilleurs camarades et amis, qu'ils sont parmi les meilleurs révolu­tionnaires et ne furent adversaires du marxis­me que par malentendu ou, plus exactement, non par malentendu, mais parce que le socia­lisme officiel, dominant à l'époque de la se­conde Internationale (1889-1914) trahit le marxisme, mutila l'enseignement révolution­naire de Marx en général et son enseignement sur l'expérience de la Commune de Paris (1871) en particulier. Je l'ai exposé dans mon livre L'Etat et la Révolution ; je ne m'arrêterai donc plus sur cette question.

"

LIRE AUSSI 

JEUDI 7 MARS 2024

Les lettres de Sylvia Pankhurst à Lénine auraient pu sauver la révolution européenne 1918-1923 du naufrage parlementariste contre le sabotage anti-soviétique de Lénine


Dans son brûlot anti-gauchiste, "La maladie infantile du Communisme, le gauchisme" Lénine consacre un chapitre entier (IX)à démolir Sylvia Pankhurst et sa ligne politique anti-parlementariste.

On voit donc que le génial Lénine "Tout le pouvoir aux soviets" de 1917 a laissé la place au saboteur de la révolution européenne.

Le réformiste parlementariste anti-soviets de 1906-1916  est revenu à la vie. Et a marabouté le Lénine du 7 novembre 1917.

Pousser les révolutionnaires européens de 1917-1922 à adopter la stupide tactique parlementariste du Lénine 1906-1916 a été inciter la classe ouvrière d'Europe.

L'arrogance paternaliste de Lénine parlementariste s'adressant à Sylvia Pankhurst n'est pas du machisme* puisque la même arrogance cinglante s'adressa à Bordiga, Pannekoek et tous ceux voulant "Tout le pouvoir aux soviets en Europe"

Lénine écrit

 "On trouve dans le Workers Dreadnought (tome VI, N° 48, du 21 février 1920), organe hebdomadaire de la "Fédération socialiste ouvrière", dirigé par la camarade Sylvia Pankhurst, un article d'elle intitulé : "Vers un parti communiste." L'article expose comme suit les pourparlers en cours entre les quatre organisations ci-dessus nommées, pour la formation d'un parti communiste unique : adhésion à la III° Internationale, reconnaissance du système soviétique au lieu du parlementarisme, et de la dictature du prolétariat. Il apparaît qu'un des principaux obstacles à la constitution immédiate d'un parti communiste unique est le désaccord sur le problème de la participation au parlement et de l'adhésion du nouveau parti communiste au vieux "Labour Party" opportuniste et social-chauvin, corporatif et composé surtout de trade-unions. La "Fédération socialiste ouvrière", de même que le "Parti ouvrier socialiste" (Ce parti est, ce me semble, contre l'adhésion au "Labour Party" mais n'est pas tout entier contre la participation au parlement.) se prononcent contre la participation aux élections parlementaires et au parlement, contre l'adhésion au "Labour Party"et sont, sur ce point, en désaccord avec tous les membres ou avec la majorité des membres du Parti socialiste britannique, qui constitue à leurs yeux "l'aile droite des partis communistes" en Angleterre (page 5 de l'article de Sylvia Pankhurst)."

Lénine fait ensuite une citation dont voici un extrait 

Pour ce qui est de la participation au parlement, Sylvia Pankhurst se réfère à un article publié dans le même numéro par W. Gallacher, lequel écrit au nom du "Conseil ouvrier d'Ecosse" de Glasgow :
La masse des membres du Parti travailliste indépendant d'Ecosse est de plus en plus écœurée du parlement, et presque tous les groupes locaux sont pour les Soviets (le mot russe est employé dans la transcription anglaise) ou pour les Soviets ouvriers. Evidemment, ce fait a une importance très sérieuse pour ces messieurs qui considèrent la politique comme un gagne-pain (comme une profession), et ils usent de tous les expédients pour persuader leurs membres de revenir dans le giron du parlementarisme. Les camarades révolutionnaires ne doivent pas (tous les mots soulignés le sont par l'auteur) soutenir cette bande. Ici la lutte nous sera très difficile. La défection de ceux pour qui l'intérêt personnel est un stimulant plus fort que l'intérêt qu'ils portent à la révolution, en sera un des traits les plus affligeants. Accorder le moindre appui au parlementarisme revient simplement à aider à l'accession au pouvoir de nos Scheidemann et Noske britanniques. Henderson, Clynes et Cie sont irrémédiablement réactionnaires ...."

Comme à son habitude arrogante dans son livre contre le gauchisme, Lénine commence par passer la pommade avant de frapper 

"Cette lettre à la rédaction traduit admirablement, à mon avis, l'état d'esprit et le point de vue des jeunes communistes ou des ouvriers de la masse, qui commencent à peine à venir au communisme. Cet état d'esprit est réconfortant et précieux au plus haut point; il faut savoir l'apprécier et l'entretenir, car sans lui on désespérerait de la victoire de la révolution prolétarienne en Angleterre, comme du reste dans tout autre pays. Ceux qui savent exprimer, susciter dans les masses cet état d'esprit (qui très souvent sommeille, est inconscient, latent), il faut s'en montrer soucieux et leur prêter aide et attention."

Comme les gauchistes sont des malades selon lui, il va décrire leur maladie 

"Mais il faut aussi leur dire ouvertement, sans équivoque, que cet état d'esprit à lui seul ne suffit pas à diriger les masses dans la grande lutte révolutionnaire, et que telles ou telles erreurs que les hommes les plus dévoués à la cause révolutionnaire sont disposés à commettre ou commettent, peuvent nuire à cette cause. La lettre adressée à la rédaction par le camarade Gallacher contient indéniablement en germe toutes les erreurs des communistes "de gauche" d'Allemagne et celles commises par les bolcheviks russes "de gauche" en 1908 et 1918."

Mais comme la mauvaise foi est la ligne conductrice de tout le livre contre Bordiga, Pannekoek, Sylvia Pankhurst et tous les gauchistes d'Europe - incluant la Russie, Lénine continue

"L'auteur de la lettre a fort bien compris que seuls les Soviets ouvriers, et non le parlement, peuvent offrir au prolétariat le moyen d'atteindre au but. Et celui qui ne l'a pas encore compris est évidemment le pire réactionnaire, fut-il l'homme le plus savant, le politique le plus expérimenté, le socialiste le plus sincère, le marxiste le plus érudit, le plus loyal des citoyens et des pères de famille. Mais l'auteur de la lettre ne pose même pas, ne croit pas même nécessaire de poser la question de savoir si l'on peut amener les Soviets à la victoire sur le parlement sans faire entrer les politiques "soviétiques "à l'intérieur du parlement ? Sans désagréger le parlementarisme de l'intérieur, sans préparer au-dedans du parlement le succès des Soviets dans la tâche qui leur incombe de dissoudre le parlement. Cependant l'auteur de la lettre émet cette idée parfaitement juste que le Parti communiste anglais doit fonder son action sur une base scientifique. La science veut d'abord que l'on tienne compte de l'expérience des autres pays, surtout si les autres pays, capitalistes eux aussi, connaissent ou ont connu récemment une expérience sensiblement analogue. Elle veut, en second lieu, qu'on tienne compte de toutes les forces: groupes, partis, classes et masses agissant dans le pays, au lieu de déterminer la politique uniquement d'après les désirs et les opinions, le degré de conscience et de préparation à la lutte d'un seul groupe ou d'un seul parti."

La réponse à la seule question importante ne figure évidemment pas dans le texte de Lénine : "en quoi le participationniste du parti bolchévik aux institutions de Nicolas II ont-elles favorisé la création du soviet le 12 mars 1917 ? 
Ce passage ne répond évidemment pas à cette question "Mais l'auteur de la lettre ne pose même pas, ne croit pas même nécessaire de poser la question de savoir si l'on peut amener les Soviets à la victoire sur le parlement sans faire entrer les politiques "soviétiques "à l'intérieur du parlement ? Sans désagréger le parlementarisme de l'intérieur, sans préparer au-dedans du parlement le succès des Soviets dans la tâche qui leur incombe de dissoudre le parlement."

N'importe quel observateur impartial peut constater que l'appel à désigner des délégués de soviets l'après midi du 12 mars 1917 est directement la suite du soviet d'octobre-novembre 1917.
Tous les événements postérieurs, tous les évènements de 1906 à 1916 n'ont strictement aucun lien avec cet appel . 
Quand Lénine mentionne cette période intermédiaire entre les deux soviets de Petrograd, il fait une entourloupe rhétorique 

"les communistes anglais doivent exiger et s'assurer absolument la plus entière liberté de dénoncer les Henderson et les Snowden comme l'ont fait (quinze ans durant, de 1903 1917) les bolcheviks russes à l'égard des Henderson et des Snowden russes, c'est-à-dire des mencheviks. Si les Henderson et les Snowden acceptent le bloc à ces conditions, nous aurons gagné. "

Pendant quinze ans ? 
Mais en 1905 il ne s'agissait pas de défendre le droit des bolchéviks de critiquer les menchéviks, il s'agissait de rejoindre les mencheviks qui avaient créé le soviet de Petrograd malgré les bolchéviks 
Mais en 1917 il ne s'agissait pas de défendre le droit des bolchéviks de critiquer les menchéviks, il s'agissait de rejoindre les mencheviks qui avaient - à nouveau - créé le soviet de Petrograd malgré les bolchéviks 
Et le seul "argument" que Lénine finit par trouver contre Sylvia Pankhurst et les gauchistes de Grande Bretagne est un argument absurde auto-apologétique. La participation (stupide) des bolchéviks aux élections de la Constituante aurait été un facteur positif pour les bolchéviks donnant le pouvoir aux soviets, car participer aux élections bourgeoises "facilita leur action".

"Et si l'on m'objecte: cette tactique est trop "subtile" ou trop compliquée, elle ne sera pas comprise des masses, elle dispersera, elle fragmentera nos forces, elle nous empêchera de les concentrer sur la révolution soviétique, etc., je répondrai à mes contradicteurs "de gauche" : - N'imputez pas aux masses votre propre doctrinarisme ! Il est certain que les masses ne sont pas plus, mais moins cultivées en Russie qu'en Angleterre. Et pourtant elles ont compris les bolcheviks; et le fait qu'à la veille de la révolution soviétique, en septembre 1917, les bolcheviks avaient dressé les listes de leurs candidats au parlement bourgeois (à l'Assemblée constituante), et que le lendemain de la révolution soviétique, en novembre 1917, ils avaient pris part aux élections à cette même Assemblée constituante qu'ils devaient disperser le 5 janvier 1918, - ce fait, loin d'être un empêchement aux bolcheviks, facilita leur action."


 

On va lire trois lettres de la gauchiste anti-parlementariste Sylvia Pankhurst dans l'ordre inverse de leur rédaction.
On comprendra comment Sylvia Pankhurst fut la Cassandre du fascisme montant. Dans un autre texte du 9 septembre 1920, "l'Italie devant la révolution", elle écrivait " Devant la famine et le danger il n'y a que deux alternatives : les Soviets ou la dictature du Riche. " et plus loin "Gramsci pense que la révolution italienne peut éclater pendant une période électorale ; et nous avons tenu à lui faire remarquer que les cas qu'il venait de nous citer fournissaient des arguments remarquables à la propagande contre le système parlementaire bourgeois et pour les Soviets, arguments faciles à employer en période électorale."

LETTRE DE SYLVIA PANKHURST DU 4 NOVEMBRE 1922 


Lettre ouverte à Lénine - Sylvia Pankhurst (Workers' Dreadnought, 4 novembre 1922.) (traduction Google améliorée)

Lettre ouverte de Sylvia Pankhurst et du Dreadnaught ouvrier à Lénine, accusant les partis de la Troisième Internationale d'abandonner le communisme.

A Lénine, en tant que représentant du Parti communiste russe et du gouvernement soviétique russe.

Nous vous adressons en tant que représentant du gouvernement soviétique russe et du Parti communiste russe.

C'est avec un profond regret que nous vous avons vu baisser le drapeau du communisme et abandonner la cause de l'émancipation des travailleurs. C’est avec une profonde tristesse que nous avons suivi le développement de votre politique de paix avec le capitalisme et la réaction.

Pourquoi avez-vous fait ça ?

Il semble que vous ayez perdu confiance dans la possibilité d’assurer l’émancipation des travailleurs et l’instauration du communisme mondial à notre époque. Vous avez préféré conserver vos fonctions sous le capitalisme plutôt que de vous tenir aux côtés du communisme et de tomber avec lui si nécessaire.

Pourtant, si un grand appel, un grand appel et un appel désintéressé au communisme pouvaient être lancés au peuple en ce moment, d'une source qui pourrait lui inspirer confiance, il semblerait que, dans les terribles circonstances de l'heure actuelle, il serait doit porter des fruits immenses. Une période de grande misère s’est abattue sur les peuples ;

ils souffrent d’une grande amertume dans l’esclavage de ce système impitoyable du capitalisme, qui est en train de se dégrader à cause de la croissance effroyable et accablante de ses propres iniquités.

Les échanges montent d’un côté, baissent de l’autre, avec une rapidité effarante, qui se reflète dans la misère des peuples. Dans les pays aux valeurs d’échange élevées, le fléau du chômage et de la baisse des salaires sévit ; Dans les pays aux faibles échanges, c'est la hausse impitoyable des prix qui oblige les travailleurs à travailler de plus en plus vite, tandis que la famine et la misère les vident, comme des sangsues cruelles, de la force vitale même qu'ils dépensent, avec une imprudence désespérée, pour leur labeur mal rémunéré.

Les manipulateurs financiers dirigent le monde ; ce sont les vrais gouvernements ; et ces gouvernements fantoches, qui montent sur scène pendant un certain temps, doivent exécuter leurs ordres ou disparaître de la scène.

En Italie, nous assistons une fois de plus à l’effondrement de la vieille politique ; mais c'est une réaction mauvaise et vile qui, sous la forme du fascisme, a profité du dégoût général face aux combats simulés et aux vains bricolages et piétinements des politiciens capitalistes. Les fascistes ont agi. Parce que tandis que d’autres se sont longtemps contentés de parler au milieu de la détresse populaire, les fascistes ont agi, bien qu’avec méchanceté, et des multitudes les ont suivis, ou du moins se sont abstenus de s’opposer activement à eux.

Parce que les bavards n'ont fait que parler, aucune force ne s'est opposée à la violence des fascistes. Les fascistes ont fourni un moyen d'existence, même s'il est obtenu par l'assassinat et le terrorisme de leurs frères et sœurs de classe, à des masses de soldats démobilisés sans ressources. Les bavards n’ont même pas fait cela ; ils ont parlé de bien-être général, mais n'ont rien produit. Le réformisme ne peut rien produire de valeur permanente ; il ne peut pas changer les caractéristiques essentielles du capitalisme qui broient les masses angoissées entre les meules supérieures et inférieures.

Ces jours de grand malheur révèlent, avec une clarté perçante et impitoyable, l’impuissance totale de ceux qui voudraient réformer le système inique et guérir les graves blessures qu’il inflige.

"Travail ou entretien pour les chômeurs", crie le réformiste. Dans la mesure où la revendication est concédée, le fardeau local de la concession repose immédiatement sur les épaules des propriétaires de la classe ouvrière, de leurs familles et de leurs locataires. Dans la mesure où se réalise le maintien du chômage, ce qui est décrit comme une charge nationale, il se traduit, dans les grandes complexités du système capitaliste, par des prix plus élevés et une rémunération réduite pour la communauté salariée qui, n'ayant rien à vendre sauf son travail, n'a aucun moyen de récupérer ses pertes sur le marché du travail et son pouvoir d'achat réduit, puisqu'il ne peut pas faire supporter son fardeau par quelqu'un d'autre.

Il en est ainsi de toutes les réformes projetées par le réformateur, dans la mesure où elles dépassent toujours le stade de la discussion, car les populations du monde sont aux prises avec les grands capitalistes et il n'y a aucune possibilité d'amélioration tant que cette mainmise n'existe pas. a été détruit.

Même les plus ignorants et les plus simples en sont aujourd’hui instinctivement conscients ; ils se rendent compte que le réformiste et ses panacées ne peuvent pas les aider ; ils observent, au contraire, que chaque action de cette monstruosité coûteuse qu'est le gouvernement capitaliste, s'accompagne d'une augmentation dévastatrice d'administrateurs parasites et opulents, dont le fardeau de l'entretien, faute de pouvoir le transmettre à d'autres, incombe toujours au classes les moins capables de le supporter. Conscients de leur situation désespérée sous le capitalisme, les gens sombrent dans une apathie sans esprit, se concentrant sur leurs efforts pour maintenir une existence individuelle. Dans la peur d'un avenir catastrophique Ils aspirent en vain à un retour à la routine grise de la lutte d'avant-guerre, moins acharnée que celle d'aujourd'hui.

Il est urgent de lancer un appel fort au communisme, une explication claire de la vie communiste : son service mutuel sain et sain : sa fraternité large et universelle : son évasion de ce cauchemar de pauvreté et de pouvoir.

Qu'avez-vous-tu fait, ô ancienne trompette de la révolution ? Dans votre impatience face au lent réveil de multitudes lointaines, vous avez détourné votre visage des humbles et des esclaves du monde. Vous avez touché aux jongleries de la diplomatie capitaliste ; vous avez marchandé et marchandé avec les destinées du prolétariat russe ; et diffusé le message de votre propre désertion du communisme, enveloppé dans une casuistique tortueuse et trompeuse, au mouvement communiste à travers le monde. Par vos arguments subtils et spécieux, et par le glamour de la Révolution russe, à travers lequel vous étiez considéré, vous avez détourné de la quête du communisme beaucoup de ceux qui avaient été réveillés par l'appel de la Russie soviétique.

C'est pourquoi nous trouvons ceux qui, récemment, portaient l'étendard du communisme, travaillent maintenant à placer au pouvoir un parti qui déclare ouvertement son opposition au communisme.

Par conséquent, au lieu de placer la connaissance du communisme devant les peuples, nous voyons les partis de la Troisième Internationale exhorter les masses à continuer de lutter pour un mélange de réformes futiles et impossibles.

Publié dans Workers' Dreadnought, 4 novembre 1922. Tiré du site Web Antagonism


LETTRE DE SYLVIA PANKHURST 27 OCTOBRE 1920

Il faut noter que cette lettre fut rédigée 

Extrait des archives, 27 octobre 1920 : lettre de Sylvia Pankhurst à Lénine

Publié initialement dans le Manchester Guardian le 27 octobre 1920

Un jeune homme d'environ vingt-six ans, soupçonné par la police d'être de nationalité scandinave ou finlandaise et d'avoir servi d'intermédiaire « entre les révolutionnaires de ce pays et les révolutionnaires de Russie », a été traduit devant le tribunal de police de Bow Street. , Londres, hier.

Trois enveloppes scellées et une mallette lui ont été confisquées. Il s'agissait d'un certain nombre de lettres, dont l'une était adressée par Miss Sylvia Pankhurst à Lénine comme suit :

"Cher camarade, La situation évolue plus rapidement dans une direction révolutionnaire, mais bien sûr nous en sommes encore loin. Les prix des produits de première nécessité augmentent, mais le coût de la vie ne devrait pas avoir totalement augmenté ce mois-ci. Le chômage est maintenant aigu. , et les chômeurs sont rétifs. L'une des réunions de Lansbury a été interrompue par des membres de mon parti parce qu'il conseillait des méthodes pacifiques, et la foule a soutenu les jeunes dockers, marins et autres de mon parti qui s'opposaient à lui. Marche des chômeurs vers les usines, entrez " Les anciens soldats arment et exercent. N'exagérez pas ces choses, elles ne sont pas encore redoutables. "

" Des chômeurs ont brisé des vitres et volé des bijoux lundi dernier, lorsque les maires de Londres les ont conduits à Westminster. Les partis communistes à eux seuls ne sont ni assez grands ni assez audacieux pour se montrer à la hauteur...

"A Coventry, un membre de notre parti, Emery, mène une campagne pour mettre de côté une usine au service de la Russie soviétique, l'usine devant être contrôlée par les ouvriers. Dans "The Dreadnought", j'ai essayé d'établir une politique plus audacieuse et je devrais discuter avec mon exécutif cet après-midi, mais j'ai été arrêté jeudi dernier et je suis sous caution de 2 000 £ pour ne pas rencontrer ou communiquer avec l'un de nos responsables de la publication du journal avant mon procès de jeudi, je ne peux donc communiquer qu'indirectement.

"Je m'attends à six mois d'emprisonnement. J'ai envisagé une grève de la faim, mais je crains que l'arme ne soit détruite maintenant puisque le gouvernement laisse mourir les grévistes de la faim irlandais.

"Je trouve que tous les partis communistes, à l'exception du Parti travailliste écossais de Gallagher, sont peu enclins à l'unité. Le parlementarisme et la docilité de la foule du B.S.P. sont des points sensibles de notre parti, et j'aurais eu beaucoup de mal à les convaincre. Maintenant, je vais le faire. je ne serai pas là, semble-t-il.

"J'ai fait moins que ce que j'aurais dû en voyant des gens, parce que j'ai eu une lutte des plus terribles depuis mon retour chez moi. Notre presse où notre journal est imprimé souffrait parce que 'The Dreadnought' devait de l'argent. Pendant mon absence, un compte a également couru. Longtemps, et un créancier a obtenu un ordre de paiement contre nous au tribunal. Alors tous les créanciers ont pris peur. A mon retour, les courtiers sont venus deux fois en une semaine, et depuis, je me bats contre cette situation.

"La Troisième Internationale à Moscou a entendu mon appel lorsque j'étais là-bas et a promis une aide. Elle n'arrive pas. Cette semaine, les camarades miniers du sud du Pays de Galles ont envoyé chercher 6 000 exemplaires supplémentaires du "Dreadnought". J'ai emprunté du papier au "Herald". Actuellement je n'ai pas de papier pour la semaine prochaine, ce n'est pas agréable d'aller en prison donc !

"Avec les salutations communistes.

"SYLVIA PANKHURST."



LETTRE DE SYLVIA PANKHURST 16 JUILLET 1919

Lettre à Lénine

Sylvia Pankhurst

Cher camarade Lénine,

Je ne cesse de souhaiter une conversation avec vous. Je vois notre mouvement ouvrier anglais ruiné par le parlementarisme et par les conseils municipaux. Des gens veulent être élus. Le plus grand nombre veut élire, et tout travail pour le socialisme est à cette fin remis ; on étouffe la propagande socialiste de peur de perdre des votes. Et les élus gonflés de leur importance ont la plus grande indulgence pour les abus du système capitaliste.

Je sais qu'il est impossible de réveiller l'esprit révolutionnaire chez des gens qui veulent gagner aux élections — tout au moins dans ce pays. La conscience de classe semble disparaître à mesure que s'approchent les élections. Un parti qui obtient des succès électoraux est un parti perdu pour l'action révolutionnaire. Dans ce pays, nous avons, comme vous savez :

Le vieux parti trade-unioniste, qui n'a ni largeur de vue, ni l'idéalisme et n'est pas socialiste ;

L'Independent Labour Party souvent bourgeois, souvent ultra-religieux ;

Le British Socialist Party qui se croit plus avancé que' l'I. L. P. mais qui souvent, vaut moins du point de vue du communiste. Ces deux partis pensent trop à gagner aux élections et quand ils y ont obtenu des succès, ils abandonnent presque toujours les ouvriers.

Les industrialistes révolutionnaires, croyant en l'action directe, — élément qui permet les plus grandes espérances ; il y a parmi eux des hommes remarquables, possédant cette inflexibilité qui sera essentielle quand surviendra la révolution, — mais qui quoique manquant souvent de capacité organisatrice en dehors de leur propre sphère d'action, ont cependant de grands esprits et du cœur.

Tous ces éléments ont subi à différents degrés l'influence de la révolution russe. Les officiels du groupe 1 sont alarmés et certains de leurs adhérents ont passé au groupe 4. Au 2, les leaders sont pour le moins choqués et alarmés, certains de leurs adhérents se rapprochent du 4. Au 3 les uns sont timides, les autres se rapprochent du 4. Ce dernier groupe 4 a longtemps chéri l'idée d'organiser la société selon les principes des Soviets, avant même de connaître les Soviets. Il est fortifié par les nouvelles de Russie. Il est surtout composé de simples ouvriers, mineurs ou mécaniciens, quoique ce type apparaisse maintenant dans toutes les industries.

Ce groupe 4 méprise l'action parlementaire : jamais il ne s'alliera à un parti présentant des candidats pour les élections parlementaires ou locales. Les Workers' Committees et les Shop Stewards doivent être unis à ce groupe 4, quoi qu'ils soient souvent moins avancés.

Il y a aussi le Socialist Labour Party (5), plutôt anti-parlementaire, mais qui, lors des dernières élections, présenta des candidats, perdant ainsi largement la confiance du 4 qui fournissait un grand nombre de ses membres.

La Workers Socialist Federation, plus petite et plus jeune que les autres, composée en grande partie de femmes, ce qui marque son origine, bien que la plupart de ses nouveaux membres soient des homme ; c'est surtout, plus que les autres, le parti du petit peuple, travaillant aux coins des rues et ayant son quartier général dans l'East-End. A sa conférence de Whitsuntide1 il s'est transformé en parti communiste, mais à la demande du camarade R... et de quelques autres, il s'abstient d'user de ce titre tant que tous les efforts n'ont pas été faits pour former un parti communiste unique en fondant les groupes 3, 5, 6 et 7, ce dernier étant la société socialiste du pays de Galles étroitement en harmonie avec le 4. On nous dit que le 4 ne peut pas entrer dans le parti communiste, quoique ses membres puissent y adhérer. Je rie suis pas si certaine que ces groupes ne puissent fusionner.


Mais pourquoi vous écrire tout ceci ? Pour dire qu'à mon avis la question parlementaire met tout en retard. Le 3 et 5 veulent encore présenter des candidats, ce qui déconcerte les éléments 4, 6 et 7.

Je doute que vous conceviez combien dans ce pays la conscience de classe est une plante plus tendre que partout ailleurs et combien les intrigues politiques sont plus fortes et plus subtiles.

Je souhaite que vous parliez de l'action parlementaire. J'ai lu la lettre que vous ont adressée les communistes finlandais. Ce message est nécessaire ici aussi. Je souhaite que vous nous écriviez de manière à hâter nos progrès hors du réformisme. Ce que vous dites fait beaucoup réfléchir les hommes, ceux du moins qui veulent réellement la révolution. Je pense que si vous étiez ici vous diriez : Concentrez les forces sur l'action directe révolutionnaire. Ne touchez pas à la machine politique. Telle est ma pensée. Je crois qu'il n'y a pas de pays où !a machine politique soit pour les ouvriers aussi difficile à diriger et soit aussi bien construite pour les circonvenir

Sincèrement à vous.


Sylvia PANKHURST.


P.-S. — Je tiens à vous faire connaître que la masse des ouvriers d'industrie, dans des proportions de plus en plus sensibles, veut réellement la révolution et n'a besoin que d'être guidée pour l'organiser. Mais nous sommes lents et combien le monde ne doit-il pas à la Russie ! Si vous dites que les conditions déterminantes ont produit le résultat, certes c'est vrai ; mais votre claire exposition de ce fait ouvre une nouvelle perspective, et nous comprenons en vous lisant qu'une longue propagande a, en Russie, préparé le peuple à tirer parti de ces conditions.

Si nous pouvions seulement unir tous ceux qui croient à la révolution et les faire travailler pour elle au lieu de s'occuper d'élections ! Outre la propagande, il y a l'organisation, et nous sommes à présent des enfants dans une forêt inconnue ou dans une contrée inexplorée. Nous devons explorer chaque région en nous demandant comment nous nous rendrons compte du mouvement favorable. Nous nous y efforcerons, mais vous pourriez concentrer plus de forces dans cette direction si par un discours ou par un article — ce message nous touchera — vous vouliez bien nous conseiller. Quant à la propagande, oh l'on dira : nous ne suscitons pas de conflit ; c'est le gouvernement qui le provoque. Comme si c'était une honte de créer des ennuis au capitalisme !


REPONSE DE LENINE (29 AOUT 1919)
A LA LETTRE DE SYLVIA PANKHURST 

Lettre à Sylvia Pankhurst

A la camarade Sylvia Pankhurst à Londres


28 août 1919

Chère Camarade ! Je n'ai reçu qu'hier votre lettre du 16 Juillet dernier. Je vous suis infiniment reconnaissant pour les renseignements que vous me donnez concernant l'Angleterre et je vais tacher de satisfaire votre désir en répondant à votre question.

Je ne doute pas que, parmi les représen­tants du prolétariat, un grand nombre d'ou­vriers, les meilleurs, les plus honnêtes, les plus sincèrement révolutionnaires soient en­nemis du parlementarisme et adversaires de toute action au parlement. Plus la culture ca­pitaliste et la démocratie bourgeoise sont an­ciennes dans un pays donné, et plus c'est là un phénomène compréhensible, car la bour­geoisie, dans les vieux pays parlementaires, a remarquablement appris le jeu de l'hypocrisie et connaît mille tours pour tromper le peuple, en présentant le parlementarisme bourgeois comme la « démocratie en général » ou la « démocratie pure », etc., en dissimulant avec habileté lés innombrables liens du parlement avec la bourse et les capitalistes, en ti­rant parti d'une presse vénale, en se servant de toutes les façons de l'argent, puissance du capital.

On ne peut en douter : l'Internationale Communiste et les partis communistes des divers pays commettraient une faute irrépa­rable en repoussant les ouvriers, partisans du pouvoir des Soviets, mais qui ne consentent pas à prendre part à la lutte parlementaire. Si on pose la question d'une façon générale, théoriquement, c'est précisément ce program­me, celui de la lutte pour le pouvoir des So­viets, pour la république des Soviets, qui peut et doit unir maintenant, sans conteste, tous les révolutionnaires honnêtes et sincères des milieux ouvriers. Beaucoup d'ouvriers anar­chistes deviennent maintenant de sincères partisans du pouvoir des Soviets, ce qui nous prouve qu'ils sont nos meilleurs camarades et amis, qu'ils sont parmi les meilleurs révolu­tionnaires et ne furent adversaires du marxis­me que par malentendu ou, plus exactement, non par malentendu, mais parce que le socia­lisme officiel, dominant à l'époque de la se­conde Internationale (1889-1914) trahit le marxisme, mutila l'enseignement révolution­naire de Marx en général et son enseignement sur l'expérience de la Commune de Paris (1871) en particulier. Je l'ai exposé dans mon livre L'Etat et la Révolution ; je ne m'arrêterai donc plus sur cette question.


Que faire donc si, dans un pays, des com­munistes convaincus et disposés à se consacrer à l'œuvre révolutionnaire, — des partisans sincères du pouvoir des Soviets (du « sys­tème des Soviets », comme on dit quelquefois hors de Russie) — ne parviennent pas à s'unir par suite de leur désaccord sur la question de l'action parlementaire ?


Je considérerais volontiers ce désaccord comme n'ayant pas d'importance essentielle en ce moment, la lutte pour le pouvoir des So­viets étant la lutte politique du prolétariat dans sa forme la plus haute, la plus consciente, la plus révolutionnaire. Mieux vaut être avec les ouvriers révolutionnaire quand ils se trom­pent sur une question de détail ou d'impor­tance secondaire, qu'avec les socialistes offi­ciels ou avec les social-démocrates s'ils ne sont pas des révolutionnaires fermes et sincères, s'ils ne savent pas, s'ils ne veulent pas faire dans les masses ouvrières un travail révolu­tionnaire, mais professent pourtant sur la question donnée des opinions conformes à la bonne tactique.

Or la question parlementaire est maintenant une question de détail, secondaire. Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht avaient rai­son, à mon avis, quand ils défendaient, à la Conférence de janvier 1919 à Berlin contre la majorité la participation des spartakistes aux élections pour le parlement bourgeois allemand, à l'Assemblée Natio­nale Constituante.1 Mais il va de soi qu'ils eu­rent raison davantage encore en demeurant avec le Parti Communiste qui commettait une faute secondaire, plutôt que de suivre les re­présentants droitiers du socialisme, tels que Scheidemann et son parti, ou les âmes serviles, les doctrinaires, les poltrons, les ser­viteurs muets de la bourgeoisie, les réformis­tes en fait, tels que Kautsky, Haase, Daumig et tout ce parti des « indépendants » alle­mands.

Je suis personnellement convaincu, que le refus de participer aux élections parlementai­res est, chez les ouvriers révolutionnaires an­glais, une faute, mais il vaut certes mieux commettre cette faute que de retarder la for­mation, par tous les éléments sympathisant avec le bolchevisme et sincèrement partisans de la république des Soviets que vous énumérez, d'un puissant parti ouvrier commu­niste anglais. Si par exemple, il y avait dans le B. S. P.2 des bolcheviks sincères qui, par suite du désaccord sur la question parlemen­taire, refusaient de se fondre dans le Parti Communiste avec les groupes 4 — 6 et 7, ces bolcheviks commettraient à mon avis une faute mille fois plus grave que celle qui consiste à refuser de participer aux élections pour le parlement bourgeois anglais. Naturellement, je suppose en disant cela que les groupes 4 — 6 et 7 pris ensemble sont réellement liés à la masse ouvrière et ne représentent pas exclusivement de petits groupes intellectuels, com­me cela arrive assez souvent en Angleterre ». Sous ce rapport les Workers' Committees et les Shop Stewards, qui ont sans doute des liens étroits avec la masse, ont une grande importance.

Le lien ininterrompu avec la masse ouvrière, l'aptitude à y entretenir une agitation cons­tante, à prendre part à chaque grève, à ré­pondre à toutes les interrogations formulées par la masse, c'est là l'essentiel pour le Parti Communiste, surtout dans un pays tel que l'Angleterre, où jusqu'à présent (comme d'ail­leurs dans tous les pays impérialistes) seuls de petits groupes ouvriers, composés de re­présentants de l'aristocratie ouvrière, pour la plupart complètement et irrémédiablement pourris de réformisme, captifs des préjugés impérialistes et bourgeois, ont pris part au mouvement socialiste et en général au mou­vement ouvrier. Sans lutte contre ces éléments, sans destruction totale de leur autorité, sans enracinement au sein de la masse de la con­viction de leur absolue corruption bourgeoise, il ne peut être question d'un mouvement ou­vrier communiste sérieux.

Ceci se rapporte à la fois à l'Angleterre, à la France, à l'Amérique et à l'Allemagne.

Les ouvriers révolutionnaires qui font du parlementarisme le point de mire de leurs at­taques ont pleinement raison dans la mesure où ils expriment ainsi le rejet de principe du parlementarisme bourgeois et de la démocra­tie bourgeoise. Le pouvoir des Soviets, la Ré­publique des Soviets, voilà ce que la révolu­tion ouvrière a institué à la place de la démocratie bourgeoise ; voilà la forme de transition du capitalisme au socialisme, la forme de la dictature prolétarienne. Et la critique du par­lementarisme est non seulement légitime et nécessaire pour motiver le passage au pouvoir des Soviets, mais elle est absolument juste, en tant que manifestant la conscience du carac­tère historique conditionnel et borné du par­lementarisme, de ses liens avec le capitalisme, de son rôle progressif par rapport aux insti­tutions du moyen âge et réactionnaire par rapport au pouvoir des soviets.

Mais les critiques du parlementarisme en Europe et en Amérique, quand ils appartien­nent aux milieux anarchistes et anarchistes-syndicalistes, ont souvent tort quand ils se refusent à toute participation aux élections et à l'activité parlementaire. Nous ne voyons ici qu'une insuffisance d'expérience révolution­naire. Nous, russes, qui avons traversé au XXe siècle deux grandes révolutions, nous sa­vons quelle influence il possède en fait pen­dant les périodes, révolutionnaires en général et surtout au moment même de la révolution. Les parlements bourgeois doivent être dissous et remplacés par des institutions soviétistes. On n'en peut douter. On ne peut douter maintenant, après l'expérience de la Russie, de la Hongrie, de l'Allemagne, que cette transformation s'accom­plira certainement pendant la révolution pro­létarienne. C'est pourquoi il convient d'y pré­parer systématiquement les masses ouvrières, de les éclairer à l'avance sur les tâches du régime des soviets, et cette propagande et cette agitation pour les soviets constituent pour l'ou­vrier qui veut être un révolutionnaire en fait, un devoir indiscutable. Mais nous, Russes, nous avons rempli cette tâche en agissant aus­si dans l'arène parlementaire ; dans la misérable douma tsariste, composée de grands propriétai­res, nos représentants ont su faire de la propagande révolutionnaire et républicaine. On peut et on doit ainsi faire à l'intérieur même des parle­ments bourgeois une propagande soviétiste.

Il se peut que ce but ne soit pas facile à at­teindre tout de suite, dans tel pays ou dans tel autre, mais c'est là une autre question. Il faut faire tous les efforts nécessaires pour que cette tactique juste soit admise des ouvriers révolutionnaires dans tous les pays. Et si le parti ouvrier est vraiment révolutionnaire, s'il est vraiment ouvrier (c'est-à-dire étroitement lié à la majorité des travailleurs, aux couches inférieures du prolétariat et non uniquement à ses couches superficielles), s'il est vraiment un parti, c'est-à-dire une organisation de l'avant-garde révolutionnaire possédant une forte cohésion, sachant employer tous les moyens pour faire, parmi les masses, œuvre révolutionnaire, — s'il en est ainsi, ce parti saura certainement tenir en mains ses parlementaires, en faire de véritables propagan­distes, comme Karl Liebnecht, et non des opportunistes, non des conducteurs du prolétariat usant des procédés bourgeois, des habitudes bourgeoises, des idées bourgeoises et de l'absence bourgeoise d'idées...


Si l'on ne pouvait atteindre d'un coup ce résultat en Angleterre et si, en outre, l'union des partisans du système des Soviets s'y montrait impossible précisément à cause du désaccord sur la question parlementaire et uni­quement à cause de ce désaccord, je considérerais alors comme un pas utile vers l'unité com­plète la formation de deux partis communistes partisans du passage du parlementarisme bourgeois au gouvernement des Soviets. Que l'un de ces partis participe à l'action parle­mentaire, que l'autre s'y refuse ; ce désaccord est actuellement tellement insignifiant que le plus raisonnable serait de ne pas se diviser pour si peu. Mais l'existence simultanée de deux partis communistes serait un immense pro­grès par rapport à la situation actuelle et cette dualité ne serait très vraisemblablement ap­pelée à ne durer que pendant une courte pé­riode de transition, avant l'unité complète et la prompte victoire du communisme3.


Le pouvoir soviétiste n'a pas seulement mon­tré en Russie, en s'appuyant sur une expé­rience de près de deux années, que la dicta­ture du prolétariat était possible même dans un pays agricole, et qu'elle était capable, grâce à la création d'une armée forte (meilleure preuve d'organisation et d'ordre) de se main­tenir clans des conditions incroyablement dif­ficiles.


Le pouvoir soviétiste a fait encore d'avantage : il a déjà moralement triomphé dans le monde entier, car partout la masse ouvrière, bien qu'il ne lui parvienne que des bribes de vérité sur le pouvoir soviétiste, bien qu'elle soit assaillie de milliers et de millions de com­munications mensongères relatives à ce pou­voir, s'est déjà prononcée pour lui. Le prolétariat du monde entier comprend déjà que ce pouvoir est celui des travailleurs, que seul il libère du capitalisme, du joug du capital, de la guerre entre impérialistes et conduit à une paix solide.


C'est précisément pour cela que si les impérialistes peuvent remporter des victoires sur des républiques soviétistes iso­lées, il leur est impossible de vaincre le mou­vement soviétiste mondial du prolétariat.


Salutations communistes.


N. LENINE.


P. S. — Cette coupure de la presse russe vous donne un échantillon de nos informations concernant l'Angleterre :


Londres, 25 août (par Béloostrov). Le correspondant londonien du Berlingske Tidende de Copenhague communique le 3 août dernier à propos du mouvement bolchevik en Angleterre : « Les grèves de ces derniers jours et les récentes révélations ont ébranlé la foi des Anglais en l'immunité de leur pays contre le bolchévisme. Actuellement, les journaux discutent vivement de cette question et l'administration fait tous ses efforts pour établir que le « complot » existait depuis longtemps déjà et visait à renverser le régime actuel, ni plus ni moins. La police anglaise a arrêté le bureau révolutionnaire qui disposait, comme l'assurent les journaux, de fonds et d'armes. Le Times publie certains documents trouvés sur les personnes arrêtées. Ils contiennent un programme révolutionnaire complet, selon lequel toute la bourgeoisie doit être désarmée ; des armes et des munitions doivent être trouvées pour les Soviets des députés ouvriers et soldats rouges, et une Armée Rouge doit être formée ; tous les postes publics doivent être occupés par des ouvriers. Ensuite, il était question d'instituer un tribunal révolutionnaire pour juger les inculpés politiques et les personnes coupables de mauvais traitements vis-à-vis des emprisonnés. Il était proposé de confisquer tous les vivres. Le parlement et les autres organes d'administration publique doivent être dissous, et des Soviets révolutionnaires institués à leur place. La journée de travail doit être limitée à six heures, et le salaire hebdomadaire minimum porté à 7 livres. Les dettes publiques ainsi que toutes les autres doivent être annulées. Toutes les banques, toutes les entreprises industrielles et commerciales et tous les moyens de transport sont déclarés nationalisés,

Si cela est vrai, je dois exprimer aux impérialistes et aux capitalistes anglais, en la personne du Times, leur organe, le plus riche journal du monde, ma reconnaissance et ma gratitude très respectueuse pour leur excellente propagande en faveur du bolchévisme. Poursuivez dans cet esprit, messieurs du Times : vous amènerez on ne peut mieux l'Angleterre à la victoire du bolchévisme !


Notes


1 Il est question du Congrès constitutif du Parti communiste d'Al­lemagne, qui se tint à Berlin du 30 décembre 1918 au 1er janvier 1919. Malgré l'intervention de Karl Liebknecht et de Rosa Luxemburg, qui proposaient de participer aux élections de l'Assemblée nationale, le Congrès prit à la majorité des voix (62 con­tre 23) la décision erronée de ne pas prendre part à la campagne électorale. (Note des Editions du Progrès)

2 Parti socialiste britannique [British Socialist Party], fut fondé en 1911 à Manchester, à la suite de la fusion du Parti social démocrate avec d'autres groupes socialistes. Le B.S.P. faisait sa propagande dans un esprit marxiste et était un parti « non opportuniste, réellement indépendant des libéraux » (Lénine, Œuvres, Paris Moscou, t. 19, p. 288). Le petit nombre de ses adhérents et son manque de liaison avec les masses lui conféraient cependant un certain caractère sectaire. Pendant la première guerre mondiale, au sein du parti se déroula une lutte aiguë entre la tendance internationaliste (W. Gallacher, A. Inkpin,  D. MacLean, F. Rothstein, etc.) et la tendance social chauvine avec Hyndman à sa tête. La tendance internationaliste comptait des éléments hésitants qui adoptèrent une position centriste, sur un certain nombre de questions. En février 1916, un groupe du B.S.P. fonda le journal The Call, qui devait contribuer grandement au regroupement des internationalistes. La conférence annuelle du B.S.P., qui se tint à Salford en avril 1916, condamna la position social chauvine de Hyndman et de ses partisans, qui quittèrent alors le parti.

Le parti socialiste britannique accueillit favorablement la Grande Révolution socialiste d'Octobre. Ses membres jouèrent un rôle important dans le mouvement des travailleurs anglais pour la défense de la Russie soviétique contre l'intervention étrangère. En 1919, 98 organisations locales du parti contre 4 se prononcèrent pour l'adhésion à l'Internationale communiste. Le B.S.P. ainsi que le groupe d'unité communiste jouèrent le rôle principal dans la fondation du Parti communiste de Grande Bretagne. Au premier Congrès d'unification de 1920, l'immense majorité des organisations locales du B.S.P. adhérèrent au Parti communiste. (Note des Editions du Progrès)


3 Une fois de plus, Lénine avait prévu dans ces lignes ce qui s'est passé iin an pins tard. Actuelllement, en effet, deux partis communistes sont en for­mation en Angleterre. (Note du Bulletin communiste)




* ici machisme ne signifie pas "partisan de Mach"


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